Global Sulfur Cap, l’heure des choix
Au 1er janvier 2020, les navires de commerce devront réduire leurs émissions de soufre dans l’atmosphère de 3,5% à 0,5%. Armateurs et majors du pétrole naviguent à vue pour répondre aux défis technologique et économiques lancés par l’Organisation maritime mondiale (OMI).
Face aux incertitudes sur les quantités disponibles et sur le prix du HFO à basse teneur en soufre, les compagnies sont à la croisée des chemins. Elles devront dès juillet 2019 faire des choix qui les engageront définitivement et durablement vers de nouvelles routes. Qu’il s’agisse de propulsion au gasoil, au GNL, de l’ajout de scrubbers, une chose semble certaine : Ces nouvelles réglementations vont renchérir de manière substantielle le coût du transport maritime. Au delà de l’impact sur les lignes, les industriels eux-mêmes risquent d’en pâtir. Sous couvert d’environnement, c’est le principe même de l’économie mondialisée que les industriels devront repenser.
Le compte à rebours est lancé. A onze mois d’une échéance capitale pour l’industrie du transport maritime, l’heure des choix approche à grand pas. Pour respecter des règles imposées à marche forcée, les armateurs naviguent dans une brume épaisse. Ils doivent répondre coûte que coûte au défi de 0,5 % de soufre rejeté dans l’atmosphère programmé au 1er janvier 2020. Aucune obligation n’a été délivrée par l’Organisation Maritime Internationale aux groupes pétroliers de produire du low sulphur en quantité suffisante ni de qualité acceptable. Qui plus est, les états signataires ne se sentent pas responsables du résultat. Que vont devenir les quantités du fuel HFO à un taux de 3,5% produites en abondance par les raffineries et dont personne ne veut ? Demain, seront-ils en mesure de compenser avec du Marine Gas Oil (MGO) qui semblerait devenir le combustible prépondérant ?
Une situation préoccupante. Schématiquement, les armateurs ont trois possibilités pour être en conformité : continuer à consommer du fuel à 3,5% en équipant les navires de laveur de fumées (scrubbers). La deuxième option consiste à changer de carburant et s’avitailler soit en combustible à 0,5 % soit passer au gasoil. Enfin, dernière solution radicale, le changement de technologie avec des navires au GNL, hydrogène ou hybrides.
A ce jour, sur les 55 000 navires de commerce en circulation, seuls quelques-uns ont investi. Onze mois pour convertir la flotte mondiale ne semble guère réaliste. Rien à ce stade ne peut plus changer la donne.
L’équation à résoudre comporte deux inconnues : les prix et la disponibilité de chaque carburant.
Révision des chartes-parties
Depuis plusieurs mois, les services techniques de Marfret se préparent à cette échéance. « Au premier trimestre 2019, nous allons choisir le combustible en fonction des zones de navigation et des disponibilité produits. De février à septembre, nous préparerons la flotte, adapterons si nécessaire le circuit combustible du navire en fonction des spécificités du produit et rédigerons les procédures bunker. Au 1er octobre au plus tard, nous commencerons le soutage avec du fuel à 0,5% ou du MGO, après avoir rincé les citernes », explique le capitaine d’armement Charles Gauthier. Pour être en conformité nous devrons nous assurer d’avoir brûlé la totalité du HFO à 3,5%. « La situation diffère si le navire est affrété (Nasp, MedCar)», complète Charles Gauthier.
S’agissant de l’affrètement, les nouvelles règles OMI supposent une révision de la charte-partie et une redéfinition de la stratégie du broker. Doit-il rechercher des navires équipés de scrubber ou qui seront exposés à consommer le combustible disponible, selon les cas du gasoil ou du fuel à 0,5% ?
Les opérateurs devront faire preuve de vigilance quant à la qualité du produit disponible. Faute de cadre précis, deux types de fuel HFO à 0,5% seront sur le marché. Le premier, produit par les raffineries qui auront fait en temps voulu l’investissement d’1 milliard de $, donnera satisfaction et le second, plus instable car issu de mélanges avec des gasoils, risque d’endommager les moteurs.
Ces choix influeront sur les équilibres financiers de la ligne. Le poste combustible représente tout de même 60% du coût d’exploitation d’un navire. Actuellement, une seule journée de navigation d’un porte-conteneurs de grande capacité coûte 80 000 dollars… Qu’en sera-t-il demain ? La directive soufre va faire flamber le prix du transport maritime de marchandises qui concentre 90% du commerce mondial. Les nouvelles BAF (Bunker Adjustement Factor) en préparation, que les chargeurs cherchent à discréditer, risquent de modifier durablement les équilibres.
Beaucoup de services risquent de disparaître et de nombreux navires partiront à la casse. Les industriels qui produisent aujourd’hui en Chine vont sans doute repenser leur organisation et relocaliser.
L’industrie maritime qui ne représente à ce jour que 2 à 3% des émissions mondiales de CO2 risque de faire, au prix fort, les frais de la transition énergétique.