Originaire de Saint-Malo, Yvan Salomone a tout naturellement exploré les univers maritimes. Avec le renforcement des règles sécuritaires, les ports sont devenus des zones d’accès restreintes, des zones fermées au public et aux artistes.
Un regret que l’aquarelliste exprime lors d’une conversation avec Raymond Vidil. La sensibilité artistique du président de Marfret le conduit à lui proposer un embarquement au long cours depuis l’Europe du Nord vers le nord du Brésil et la Guyane Française.
Un voyage exceptionnel de 42 jours durant lequel Yvan Salomone, le terrien, partagera le quotidien des 22 navigants affairés à faire tourner la machine du Marfret Guyane, un porte-conteneurs de 22 000 tonnes de port en lourd.
La rencontre entre l’univers de l’artiste et le cargo, ses navigants, avec l’océan en toile de fond, créée une palette d’émotions inédite, une explosion de couleurs, de sentiments. Des vibrations humaines et artistiques dont nul ne sort pas indemne. « J’ai tenu à assister à tous les levers et couchers de soleil en mer. Durant la même journée, avec le lieutenant, nous avons vu deux rayons verts », raconte Yvan Salomone, qui n’a jamais connu l’ennui.
Afin de garder le cap, l’artiste a structuré ses journées. Il passe ses matinées sur le pont, à la passerelle, à contempler chaque détail lors de ses prises de vue. La navigation ? Elle est faite de paradoxes et de contrastes. « Le cargo, cette machine d’acier bruyante, rugissante, traverse si délicatement la sphère des couleurs. Une sphère à 360° où le ciel embrasse la mer avec des nuances et des tonalités qui changent au gré des zones de navigation et de la météo. J’ai découvert les couleurs des océans des mers du Sud, la transparence, le bleu, les teintes de magenta et de pourpre…», raconte-t-il, la rétine tatouée à tout jamais.
La furie des éléments, la tempête l’enchante. Une joie intérieure enfouie qui contraste avec la tension palpable à bord.
Le soir, Yvan plonge dans les entrailles du navire. Une révélation fantastique, éblouissante pour l’artiste dont le pinceau a toujours décrit avec précision la mécanique des objets conçus par les hommes. « Le chef mécanicien Dima m’a proposé d’assister à la visite du moteur. J’ai été ébloui par la bielle. Cette pièce en inox de 3 mètres de haut, parfaite, baignée d’huile. J’avais face à moi quelque chose de précieux, le cœur du navire. Ce fut un moment émouvant, comme un voyage intérieur, organique », raconte l’artiste dont l’émotion révèle les vibrations intimes des marins, enfouies par la pudeur de leur fonction. L’environnement extérieur sublime le cargo qui lutte en permanence contre les éléments, la corrosion. Yvan quitte très peu le navire. Et quand il retrouve la terre ferme à Fortaleza ou à Degrad-des-Cannes, il a la sensation de flotter encore un peu dans les zones portuaires. « A chaque fois que je m’éloignais du port, il me tardait de retrouver le navire », ajoute l’artiste dont le travail est axé sur le cargo. Il vient d’ailleurs d’achever le montage d’un film d’1h45. « C’est mon deuxième essai filmographique », précise l’artiste exposé à la Galerie de la Méditerranée au Mucem depuis 2016. Photos, vidéos et tableaux… Yvan a retrouvé son atelier et ses pinceaux. Sa riche production artistique sera exposée par Marfret en 2020. « Je ne regarde plus les navires de la même façon. Je sais désormais ce que renferme le château, la machine, les soutes », conclut Yvan Salomone.
Photo: Première toile d’Y. Salomone issue de sa résidence chez Marfret