Garantir l’approvisionnement des nations
Présent au chantier Yangzijiang sur le Yangtze le 19 janvier pour la livraison de notre navire porte-conteneurs Douce France, j’ai pris la mesure de l’importance de l’épidémie qui frappait la Chine. Cette infection pulmonaire sans frontière a embrasé la planète en quelques semaines à peine. Le Covid-19 s’est propagé à toute vitesse, comme les flammes qui ont ravagé les forêts australiennes quelques mois plus tôt. Tout est mis en œuvre pour contenir l’incendie, pour faire face à une crise sanitaire mondiale unique dans l’histoire. Une crise que personne n’a vu venir.
Les États concentrent leurs efforts, construisent des digues, des remparts pour freiner cette pandémie dévastatrice. Après la Chine et l’Europe, elle poursuit son œuvre macabre en aux Etats-Unis, en Afrique, en Amérique Latine et dans la Caraïbe, autant d’îles et de continents dans lesquels nous avons des escales et des amis.
Derrière cet ennemi invisible contre lequel nous nous battons, une autre menace tout aussi invisible plane sur nos populations. Nous sommes aujourd’hui face au risque de la rupture d’approvisionnement alimentaire, comme l’a rappelé dernièrement le secrétaire général des Nations Unis, António Guterres. Alors que tous les avions de ligne restent cloués au sol, le transport maritime, qui assurait déjà 90% du commerce mondial, joue plus de jamais un rôle stratégique, un lien vital puisqu’il permet de nourrir des populations et de maintenir l’approvisionnement en matériel médical et produits pharmaceutiques.
Dans l’histoire récente, Marfret s’est retrouvé en première ligne face à ces menaces sur la sécurité alimentaire. En 2014, la Russie instaurait un embargo sur les produits alimentaires européens en rétorsion aux sanctions économiques de l’Europe. Les phénomènes climatiques, de plus en plus fréquents, ont conduit l’Australie et la Nouvelle-Zélande à abattre leurs cheptels faute de fourrage à cause de la sécheresse. Et puis fin 2019, la Chine, confrontée à la peste porcine, s’est mise à importer massivement.
La situation privilégiée de la France est unique au monde. Notre pays de tradition rurale au climat tempéré produit en abondance des fruits, des légumes, des céréales, des laitages. Des pays pauvres, des régions au climat moins favorable, des îles n’ont pas nos enviables productions et dépendent totalement des acheminements maritimes.
Plus que jamais, l’escale directe à jour fixe de nos navires, véritables stocks flottants, est attendue, espérée par la Grande Distribution, par les hôpitaux. Papeete, Alger, Moin au Costa Rica… Depuis le début de la crise sanitaire, Marfret est plus que jamais mobilisé pour préserver cette chaîne d’approvisionnement. Compagnie maritime française, Marfret a la responsabilité d’acheminer des marchandises pour nos concitoyens ultramarins de l’Océanie, des Antilles et de la Guyane. Et en ce sens, les navires battant pavillon tricolore, vraquiers, porte-conteneurs et ferries revêtent une dimension stratégique pour la Nation. Les approvisionnements donnent du souffle aux populations lointaines privées de tout.
Si aujourd’hui les industriels programment la relocalisation de certaines productions la mondialisation ne disparaitra pas pour autant car les économies resteront interdépendantes. Cependant, la relocalisation peut ouvrir de nouvelles voies de coopération au cabotage nord-sud sur lequel notre compagnie est bien positionnée et répondre aux enjeux écologiques et économiques.
En cette période très difficile où nous naviguons à vue, j’ai une pensée pour vous et vos familles, clients importateurs, exportateurs, autorités portuaires, fournisseurs de services. Je tiens également à remercier les collaborateurs de Marfret mobilisés depuis le premier jour du confinement pour permettre un maintien en condition opérationnelle de l’ensemble de nos services. Je tiens à remercier plus particulièrement nos navigants, pour certains embarqués déjà depuis de long mois et dans l’incapacité d’être relevés. Je vous remercie pour votre résilience, votre engagement indéfectible.
Raymond Vidil
Illustration: Le Douce France lors de sa 1ère escale en Guyane le 18 mars dernier. Le navire a déchargé 350 conteneurs dont la moitié destinée à approvisionner la population en vivres et matériel pharmaceutique sur le territoire alors placé en confinement.