Le prix des énergies explose en ce début d’année 2022. À la pompe, le litre de diesel ou d’essence atteint des sommets historiques. À la tonne, la facture devient vraiment salée pour les compagnies maritimes qui achètent et consomment d’importantes quantités de fuel. Cette hausse vertigineuse menace même l’équilibre économique et l’exploitation des lignes.
Le prix des soutes est soumis à des cycles aux facteurs multiples. Si jusqu’à présent les décisions de l’Opep faisaient la pluie et le beau temps sur le prix de l’or noir, de nouveaux paramètres sont venus brouiller les pistes et ce durablement. Après avoir connu une chute sans précédent durant les mois de confinement de 2020, le prix du fuel à faible teneur en soufre (VLSFO, very low sulfer fuel oil) et du gazole marin (MGO, Marine gazoil) se sont emballés dès 2021 pour engager une courbe ascendante et atteindre des niveaux records. La tension sur l’énergie a connu un nouveau tournant dès les premiers jours de la guerre russo-ukrainienne. « L’impact du retrait soudain du produit russe a exacerbé les hausses de prix et le manque de disponibilité sur un marché déjà sous-approvisionné », analyse Neil Wiggins spécialiste de l’achat des soutes pour Marfret.
Soutes, premier poste de dépenses
Le 8 mars dernier le baril valait 129 dollars. « La tonne de MGO a dépassé les 1 300 dollars. Le fuel désulfurisé a atteint les 1 000 USD la tonne. Les soutes ont franchi de tels niveaux exponentiels qu’elles représentent désormais le premier poste de dépenses de Marfret, devant le prix des chartes d’affrètement et des charges sociales », a souligné le capitaine d’armement Charles Gauthier. Un phénomène qui tend à s’amplifier avec la récente indisponibilité du VLSFO russe.
Les surcharges carburant (BAF, bunker adjustment factor), facturées aux transitaires et chargeurs, contribuent à rétablir l’équilibre en absorbant toute ou partie des variations. Ces hausses diffèrent en fonction des lignes maritimes. Elles dépendent de la consommation et des milles parcourus. « Cette augmentation s’inscrit dans la durée et va peser sur le coût du transport vers les territoires ultramarins notamment», prévient Guillaume Vidil, directeur général de Marfret.
Volatilité et disponibilité non garantie
La volatilité des prix impacte directement les équilibres financiers des lignes. « Par exemple, nous avons fait une demande de tarif pour du gasoil voici quelques semaines. Le matin, il a été établi à 1 300 USD la tonne pour tomber, quelques heures plus tard, à moins de 1 100 USD la tonne (même fournisseur, même port, même date de livraison) à l’annonce d’un possible arrêt des hostilités en Ukraine. De telles fluctuations sur un marché incertain deviennent monnaie courante. L’impact sur le coût réel par Evp du fret transporté sur nos navires peut être très important, à la fois positivement et négativement », détaille Neil Wiggins. Cette volatilité des prix a également des conséquences sur la disponibilité des carburants. Les vendeurs ne prennent plus de bookings à l’avance. Cette fébrilité des marchés fragilise l’exploitation des lignes qui organisaient le soutage du navire en temps masqué pendant les opérations commerciales. Aujourd’hui, les commandes d’avitaillement s’effectuent dans des délais très courts, quelques jours seulement avant l’escale, ce qui impacte directement l’exploitation avec des retards si l’avitaillement ne s’effectue pas simultanément durant les opérations de chargement/ déchargement des conteneurs.
Si les transporteurs routiers français ont obtenu une enveloppe globale de 400 M€ pour compenser la hausse du prix des carburants, le gouvernement n’a rien prévu pour les armateurs…