Tout comme les navires voguant de port en port, les émotions nous transportent d’un continent à l’autre. 2020 marque la rupture. La pandémie a phagocyté notre monde, l’ancien monde ouvert. L’explosion du digital, des messages électroniques, des visioconférences, l’imposition des gestes barrières, la distanciation sociale créent une fracture abyssale dans les relations humaines.
Difficile d’imaginer un retour en arrière. Passée la sidération des premiers mois, la pandémie a fait son œuvre. Les émotions ont été confinées au fil des mois. Nous ne pouvons nous résoudre chez Marfret à exercer notre métier d’armateur sans la relation avec l’autre, avec l’étranger pour lequel nous transportons des biens essentiels et non essentiels. La rencontre entre le bord et la terre revêt une forme de sacralité au moment de l’escale, quand le navire a rendez-vous avec la marchandise. Une fois la marchandise chargée, le navire s’éloigne des côtes, la disjonction s’opère. Les terriens consommateurs gomment de leurs esprits les semaines de navigation, ils sont dans le déni de l’aventure maritime. Les conteneurs ne se téléportent pas encore via les câbles sous-marins ! Nos héros du quotidien, les équipes à terre et les équipages à bord, n’ont jamais failli et ont contribué au maintien des services, honoré les départs, les arrivées, les escales et les fréquences. Nous ne croyons pas chez Marfret que notre métier se résume à transporter des flux de marchandises de manière mécanique et fonctionnelle, qui paradoxalement n’ont jamais été aussi abondants depuis la fin de 2020. Cette part d’émotion que nous revendiquons, socle de toute activité humaine, nous la stimulons et la retrouvons chez Marfret en accueillant des artistes.
Peintre, photographe et vidéaste, Yvan Salomone, embarqué sur le Marfret Guyane, a vibré à l’unisson avec le porte-conteneurs durant 42 jours. Il traduit avec ses aquarelles une palette infinie d’émotions. Il donne libre cours à son imagination.
Son fil rouge poétique nous plonge dans la ronde des quarts. Il évoque avec toute la sensibilité de l’artiste le fracas des vagues, le bruit assourdissant et les vibrations de la machine du Marfret Guyane, filant à 20 nœuds au cœur des océans avec ses 22 000 tonnes de cargo. Intrus de la traversée, l’artiste sait se faire discret au cœur de l’équipage. Un caméléon captant les émotions à pas variables des navigants. « 42 jours » est le fruit de cette double traversée de l’Atlantique. Une œuvre de textes, de photos, de douze aquarelles et un film réalisé à bord. Durant cette période déshumanisée où le gouvernement laisse la culture à quai, au bord du naufrage, l’artiste joue un rôle essentiel. Il nous aide à traverser ces moments difficiles où nous perdons nos repères. En ce début d’année, fixons le cap encore et toujours, tenons la barre avec la promesse de jours meilleurs.
Nous vous présentons nos meilleurs vœux à vous, vos proches et vos familles.